A travers le souffle : le mythe d'Aurora

Dans un monde où les âmes prenaient forme à mesure qu'elles se reconnaissaient, Aurora marchait parmi les siens, accomplissant chaque tâche avec amour et dévotion.

Pourtant, un vide grandissait en elle.

Les regards glissaient sur elle sans jamais s'arrêter. Ses paroles, empreintes de justesse et de vérité, semblaient s’évanouir avant même d’atteindre ceux à qui elles étaient destinées.

Peu importaient ses efforts, elle se sentait invisible aux yeux du monde, au point de sentir son existence se dissoudre petit à petit.

Désemparée, Aurora partit consulter les Anciens du Souffle, ceux qui lisent les âmes dans le vent.

— Pouvez-vous m’aider ? demanda-t-elle. Pourquoi personne ne semble me prêter attention, ni même m’entendre ?

Les Anciens l’observèrent un instant avant de répondre :

— Va au-delà du voile, dans le monde tissé des songes et des vérités oubliées. Là est ta réponse.

Alors, Aurora s’assit sous un grand arbre aux feuilles murmurantes. Elle ferma les yeux et laissa le vent l’envelopper.

Peu à peu, son souffle s'accorda à celui du monde. Son être glissa au-delà du voile, là où les rêves et les vérités oubliées tissent la trame du réel.

Elle se vit d’abord de dos. Puis elle remarqua que sa main gauche était levée. Elle tenait un visage. Son visage.

Un frisson parcourut son corps. Son visage, cette part d’elle-même qui aurait dû rayonner au monde, était séparé de son corps.

Une voix ancienne s’éleva, portée par l’écho du vent :

— En comprends-tu la signification ?

Les larmes montèrent aux yeux d’Aurora.

— Si je n’ai pas de visage… comment puis-je être vue ?

La voix reprit, douce et pénétrante :

— Sais-tu ce que signifie le mot "visage", toi qui es en quête de reconnaissance ?

— Non, murmura-t-elle, effleurant du bout des doigts la surface lisse de ce qu'elle tenait entre ses mains.

— Ton "vis-à-je" est le miroir du JE. Il est ta vérité intérieure, il t’invite à te reconnaître pleinement. Il est aussi le reflet de la sagesse acquise à travers tes expériences.

Un silence emplit l’espace, vibrant d’une vérité oubliée.

— Tu as passé ta vie à te cacher, à te faire discrète. Comment, dès lors, les autres auraient-ils pu te voir ?

— Si toi-même tu ne t’es jamais reconnue... souffla Aurora, réalisant l’évidence.

— Si tu ne t’es jamais montrée telle que tu es, authentique, dans ta vérité intérieure… comment pourrais-tu être vue ?

Elle ferma les yeux, le cœur battant.

Toutes ces années… Elle avait cherché la reconnaissance à l’extérieur, alors que la clé se trouvait en elle.

— Appelle cette partie oubliée de toi-même, murmura la voix.

Aurora inspira profondément et, du fond de son être, appela.

Une silhouette fragile apparut devant elle, tremblante, craintive. Son double, mais sans éclat, comme une lueur voilée.

Avec douceur, elle s’approcha, posa une main sur son cœur et tendit l’autre vers cette partie d’elle-même.

— Je te vois... murmura-t-elle. Je me vois.

À cet instant, un fil de lumière se tissa entre elles, vibrant comme un cordon ombilical reliant deux mondes. Une chaleur douce et enveloppante se répandit en elle.

Son reflet hésita un instant, puis, dans un élan de confiance, s'avança et fusionna en elle.

Une onde lumineuse déferla dans son être. Un feu intérieur se réveilla, dissipant les ombres du doute. Elle était à nouveau entière.

Elle se mit à genoux, les mains tendues vers le ciel, et déclara :

— Je Suis le verbe créateur, j’existe par le souffle divin, je me reconnais comme étant fille de Dieu. Je peux me Voir à nouveau… ainsi, je deviens la Voix qui mène à la Voie.

Lorsqu’Aurora ouvrit les yeux, elle était de retour parmi les Anciens du Souffle, Ils l’observaient avec un sourire empli de sagesse.

— Enfin, tu es là, Aurora, déesse de l’aube. En toi, l’Être s’élève. Tu as su retrouver la Voix du Souffle et la Voie de ton Essence.

Le vent caressa son visage.

— Tu renaîs. Tu es passée de l’ombre à la lumière… et désormais, le monde te verra.

L’aube s’élevait, à l’image de son être retrouvé.

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